
"Il leur rappela aussi que la peur n'était pas un crime, mais qu'une incapacité à contrôler cette peur était une maladie contagieuse nécessitant d'être isolée et traitée avec la plus grande sévérité. "
Je parle de témoignages, mais ce ne sont que des personnages fictifs, inventés par l'auteur, qui peuplent l'histoire. Les événements, quant à eux, sont en partie véridiques, et retranscrivent adroitement l'atmosphère de cette Grande guerre.
Dans la peau de jeunes soldats, enrôlés au front, venant de camps différents - l'un est "Fritz", Allemand de souche, l'autre Américain natif, un "Tommy", tandis que le troisième, le "Yank" est né en Allemagne, mais s'est expatrié en Amérique, combattant désormais pour l'armée Américaine. Ces jeunes recrues, très différents par leurs origines, communient dans la peur qu'ils ressentent quant au déroulement des affronts. Traumatisés mais courageux, ils servent leur patrie pour rendre honneur à leur famille et leur nation, sans se poser d'éternelles questions. Le destin les fera se rencontrer sur le champ de bataille, à l'orée de l'arrêt des combats, dans une position insolite, devant s'entraider pour ne pas s'entretuer.
Paul Dowswell réussit une prouesse narrative, liant frayeur et panique, dans une histoire d'un jour, racontée telle une course poursuite historique contre la mort. En cette période noire, l'humanité des hommes est comme envolée, effacée au profit des crimes meurtriers perpétués lors cette guerre sanglante. L'auteur laisse poindre une infime parcelle de solidarité suite au tintement des onze coups de la finalité de cette première guerre. Une coalition de plusieurs hommes, les trois protagonistes - ennemis quelques heures, voire quelques minutes plus tôt -, oublient leurs insignes au bénéfice de la camaraderie humaine. L'aviateur "Yank", ayant essayé de bombarder une troupe Allemande dont faisait partie le "Fritz", se retrouve blessé, et aidé par ce même "Fritz", et par le "Tommy", suite au cessez-le-feu mondiale. Comme quoi l'homme a beau se montrer cruel, une part de son être, gouverné par le coeur, garde des émotions vives et pleinement humaines. "Le soleil brille toujours après une nuit sombre" comme disait James Ngugi.
L'expiation des combats, bien qu'ordinairement très joyeuse, ne laisse pas transparaître la joie escomptée. Meurtris par tant d'années d'affrontement, de pertes en milliers d'homme, l'espoir les ayant quittés depuis belle lurette, les hommes ne s'imaginent pas retrouver une vie normale suite à ces terribles années sombres. L'armistice, qui devait sonnait comme un glas, prend une couleur verdâtre de haine et de ruines.
11 novembre rend hommage aux fusillés, et apporte une originalité surprenante au contexte, plongeant totalement le lecteur au coeur de cette journée, face aux choix et aux responsabilités qui incombent aux nouveaux soldats.
Dans ce fantastique roman historique, je retiendrais particulièrement la jeunesse des soldats et leur peur réciproque quant au déroulement des assauts. Le lugubre paysage, l'animosité des hommes, leur course à la vie, les transformant progressivement en bêtes féroces, imbues de sang. Une réussite, tout en rapidité et enchaînements d'actions. Si vous tendez l'oreille, vous entendrez sûrement les éclats d'obus se disperser dans les camps, les tires en rafales de mitraillettes et les hurlements des hommes, tristes portraits de vies détruites.
auboulevardlitteraire, Posté le lundi 21 avril 2014 10:58
Cette période histoire m'intéresse beaucoup, je le note. Merci de la découverte.